Des « Quenottes » en 3D, une prouesse technologique deux fois récompensée
Et de deux ! « Quenottes », le nouveau film du producteur lorrain Watt Frame, vient d’être primé au Luxembourg après Gérardmer. Une bonne nouvelle pour toute la filière numérique lorraine.
Laurent Witz est un producteur créateur heureux. Déjà auréolé d’un Oscar en 2013 pour le court métrage « Mr Hublot », il continue de développer des projets audiovisuels et numériques ambitieux à l’instar de sa nouvelle production, le court métrage « Quenottes » de Pascal Thiebaux & Gil Pinheiro, qui vient d’obtenir coup sur coup le Grand Prix du court-métrage au Festival International du Film Fantastique de Gérardmer et celui du Meilleur Film Court-Métrage de Fiction au Filmpraïs 2016, l’équivalent luxembourgeois des Césars.
Produit par les sociétés Zeilt Productions au Luxembourg et Watt Frame à Thionville, expertes en production de programmes d’animation 3D et toutes deux créées et dirigées par Laurent Witz, ce film de 12 minutes fait l’unanimité de par son originalité et son scénario. La manière avec laquelle ce film revisite le mythe de la Petite Souris, personnage à l’origine bienveillant, a de quoi effrayer les enfants qui réfléchiront désormais à deux fois avant de glisser leur dent sous l’oreiller. Cette coproduction a également obtenu le soutien du Film Fund Luxembourg et de La Région Lorraine.
Déjà deux prix prestigieux pour « Quenottes ». Ce film va-t-il faire la même carrière que son célèbre prédécesseur « Mr Hublot » ?
Oui en terme d’objectifs atteints, mais en fait non car ils ne vont pas avoir la même trajectoire et ça, on le sait dès le début de la production. Quand on démarre un film, on a déjà des idées de carrière potentielle en fonction de ses caractéristiques. Mr Hublot était un film d’animation alors que Quenottes est une fiction avec de la 3D réaliste. Pour Quenottes, notre ambition était de concourir à Gérardmer et au Luxembourg. Et c’était aussi de sortir un film d’une très grande qualité artistique et technique, assez unique pour un simple court métrage. Maintenant, c’est du bonus : la carrière du film va se poursuivre dans le monde entier, dans les festivals de court métrage aux USA, en Italie, en Angleterre, en France, en Belgique avec le Biff à Bruxelles. On espère aussi le proposer à certains diffuseurs pour le retrouver à la télévision et dans des avant-premières de film à Thionville.
Est-ce qu’on peut dire que Quenottes est made by la Lorraine et le Grand Est ?
Le réalisateur et scénariste Pascal Thiebaux est Lorrain et le coréalisateur Gil Pinheiro Luxembourgeois. Je travaille avec Pascal depuis longtemps, et je connais l’ensemble de ses projets dont Quenottes. J’ai intégré le film comme producteur délégué en demandant à Pascal une petite phase de réécriture et là, l’aventure a vraiment commencé. Nous avons eu près de deux ans et demi de fabrication, dont 6 jours de tournage et un an et demi d’effets spéciaux au Luxembourg et en Lorraine. Nous sommes au départ des spécialistes de l’image numérique : motion design, animation 3D et réalité augmentée. Donc le défi de ce film pour nous était de travailler avec des images numériques et des images live, une souris virtuelle et des acteurs humains [ndlr : Lionel Abelanski, Mathieu Clément et Frédérique Bel pour la voix de la petite souris]. Nous avons aussi travaillé avec Michaël Coëdël, un superviseur d’animation de la société d’effets spéciaux ILM à San Francisco (Star Wars, le prochain Avengers) qui vient très régulièrement en Lorraine pour collaborer à certains projets. Il n’y a pas de secrets, pour avoir un projet de très grande qualité, à chacun des postes, il faut des gens de très grande qualité aussi. La bonne nouvelle, c’est qu’il y en a au Luxembourg et en Lorraine. Ce n’est plus la peine d’aller aux USA pour faire des films d’animation de qualité.
L’écosystème numérique vous paraît-il porteur en Lorraine ?
Bien plus qu’un territoire, l’important sont les gens qui sont sur ce territoire. Je m’explique : pourquoi la Silicon Valley est devenue la Silicon Valley ? Parce qu’à un moment donné, des gens ont commencé à s’investir pour faire en sorte que ce lieu soit reconnu comme le lieu de l’innovation. Je pense qu’il faut profiter de l’élan actuel en Lorraine et des gens qui ont envie de développer ce secteur et font déjà ces efforts-là depuis un certain nombre d’années. Et il faut aussi un soutien local fort pour essayer de combler les handicaps de départ. Aujourd’hui, je me développe plus facilement au Luxembourg et je le regrette pour la Lorraine.
Cela explique votre adhésion au Cluster Image & Numérique ?
D’une part, notre participation au sein de ce Cluster va aider la structure Watt Frame à se faire connaître. Et d’autre part, nous souhaitons aussi continuer à contribuer à l’éducation numérique des autorités publiques régionales. J’aime bien aussi l’idée de créer des synergies à l’intérieur de ce Cluster et d’expliquer notre parcours, nos difficultés. Des rencontres intéressantes ont déjà eu lieu avec l’Inria, TCRM Blida et des entreprises du secteur des images. Le potentiel est là !
L’innovation, le futur du métier de la production ?
Je crois beaucoup à l’innovation et à toutes ces nouvelles technologies : la réalité augmentée, les tablettes, la façon de consommer les programmes aujourd’hui, la façon de créer des émotions, la façon d’intervenir sur toutes les plateformes en simultané. C’est ce que nous développons au quotidien. Je ne suis pas qu’un simple producteur : je viens du domaine créatif, des Beaux-Arts et j’adore développer des concepts originaux. Sur Quenottes, j’ai apporté les fonds et les infrastructures mais pour les courts métrages, les moyens financiers sont moindres. Donc en fabriquant différemment, en présentant le projet différemment, on arrive à monter le film différemment et donc au final, on optimise les moyens pour aller plus loin.
En plus du cinéma, quels autres projets innovants sont actuellement en chantier ?
« Prochain arrêt » est un très gros nouveau projet en cours de développement en Lorraine et au Luxembourg, avec de la réalité augmentée, de la 3D interactive, des Ipads, des petits cours Facebook et Youtube. Ce n’est pas un film mais un concept, une manière de proposer au public jeunesse une façon ludique et interactive d’appréhender le patrimoine culturel. J’ai déjà fait en sorte de fédérer les autorités publiques (région Lorraine, mairies de Metz et Thionville, le Film Fund Luxembourg) autour de Prochain arrêt pour financer un prototype. Cela fait plus d’un an que nous développons ce projet totalement nouveau : le prototype va nous permettre d’aborder une phase de plus grande envergure. Le marché potentiel est énorme car il n’y a pas grand-chose dédié au public jeunesse pour s’instruire sans s’ennuyer sur le patrimoine. C’est ça aussi l’innovation : déconstruire les anciens modèles pour construire les nouveaux modèles de demain.
Plus d’infos : Watt Frame sur cinestic