Inria au coeur du tissu économique local

Contribuer au développement économique par une politique active d’innovation et de transfert, c’est l’autre mission de l’institut national de recherche dédié au numérique (Inria) à Nancy, acteur majeur de l’ère numérique dans le Grand Est. Visite guidée.

Le centre de recherche Inria Nancy – Grand Est développe une activité soutenue dans les sciences du numérique, incluant l’informatique, les mathématiques appliquées, l’automatique et les thématiques pluridisciplinaires situées à la confluence des Sciences techniques de l’Information et de la Communication (STIC) et d’autres secteurs scientifiques, notamment les sciences du vivant, la physique et les sciences humaines et sociales. Son emplacement au cœur d’une grande région transfrontalière constitue un atout supplémentaire, notamment dans sa démarche de transfert technologique.

Philippe Schaeffer, Responsable du service Transfert Innovation Partenariats Inria Nancy Grand Est, fait le lien entre le monde académique du savoir et celui de l’entreprise.

En quelques mots, qu’est-ce que l’Inria Nancy Grand Est ?

L’Inria est un établissement public de recherche dédié aux sciences du numérique. Cet organisme national gère 8 centres de recherches implantés en France au sein desquels se trouve systématiquement un service dédié aux Transfert Innovation Partenariats. Je suis responsable de ce service pour le centre de Nancy Grand Est. La particularité de notre centre tient à l’existence de liens de travail très forts avec d’autres partenaires académiques, notamment l’Université de Lorraine et le CNRS. On peut citer en exemple le laboratoire phare en informatique, le Loria, qui est une unité mixte de recherche avec des chercheurs du CNRS, des enseignants chercheurs de l’Université de Lorraine et du personnel Inria. Cette collaboration se poursuit également lorsqu’il s’agit de mener auprès des entreprises des actions de sensibilisation à l’intérêt des collaborations académiques et, inversement, de sensibiliser les chercheurs à collaborer avec des entreprises. L’idée, c’est de travailler ensemble, de ne pas se disperser ou se faire concurrence entre acteurs du monde académique. Et nous sommes aidés par des outils comme le PeeL (pôle entreprenariat étudiant de Lorraine) pour sensibiliser les jeunes étudiants à la création d’entreprise, ou l’Incubateur Lorrain pour apporter un soutien à des projets d’entreprises innovantes et aux start-ups issues du monde du savoir. Autre avantage de notre mixité académique ici, à l’Inria Grand Est, c’est le fait d’avoir quasiment toujours des enseignants chercheurs aux cotés de chercheurs permanents. Les enseignants chercheurs sont au contact direct des étudiants, ce qui facilite grandement le renouvellement des forces vives de la recherche.

Les bâtiments de l'Inria Nancy

Les bâtiments de l’Inria Nancy

Pouvez-vous préciser la notion de Transfert Innovation Partenariats ?

Le métier que j’exerce a vocation à favoriser le rapprochement entre des équipes de recherche et des entreprises. D’une part en interne, au sein des équipes de recherche, se tenir informé de leurs compétences et avancées est primordial pour détecter des résultats de recherche susceptibles d’avoir un développement avec un intérêt économique ou sociétal à la clé. Il s’agit de creuser et d’aller plus loin pour, le cas échéant, donner lieu à des collaborations avec des entreprises ou à des créations de start-ups en utilisant toutes les structures d’accompagnement.

D’autre part, j’ai également la mission de promouvoir auprès des entreprises des compétences et des technologies disponibles au sein du centre de recherche Inria, d’illustrer ce que les équipes de recherche ont dans les tiroirs et permettre ainsi aux entreprises de faire le lien avec leur propre activité ; sans parler de montrer tout simplement qu’il est possible pour une entreprise de collaborer avec des équipes de recherche, ce qui est loin d’être une évidence. Quand on n’a jamais travaillé avec le monde académique, on imagine facilement que ce monde est fermé et que les problématiques ne peuvent pas intéresser ces « grands savants ». D’où l’importance d’un médiateur. Cela se traduit concrètement par la participation à des événements qui sont menés par les pôles de compétitivité, par le Cluster Image & Numérique Alsace Champagne-Ardenne Lorraine et par toute autre structure qui fédère un certain nombre d’entreprises afin d’en toucher le plus grand nombre au lieu de faire du porte-à-porte.

Et enfin, nous sommes aussi amenés à répondre à des besoins via un contact direct avec une entreprise. Très rapidement, on va trouver la bonne équipe de recherche qui va avoir une compétence tout à fait pointue et spécifique par rapport au problème posé.

Comment se passe une collaboration innovante équipe de recherche – entreprise ?

Elle se fait bien souvent par l’intermédiaire de personnes recrutées pour la réalisation du projet. Des dispositifs d’aides financières le permettent. Ces personnes recrutées sont bien sûr encadrées par les personnels permanents de l’équipe de recherche concernée, et vont être amenées à séjourner dans l’entreprise une partie de leur temps. Il y a notamment ce dispositif qui est très apprécié à la fois des entreprises et des chercheurs, la bourse CIFRE, qui finance l’embauche pendant trois ans d’un doctorant pour une thèse sur un sujet d’intérêt commun entre l’équipe de recherche et les besoins de l’entreprise. En passant la moitié de son temps dans l’entreprise et l’autre moitié dans le laboratoire, ce doctorant va donc pouvoir s’imprégner de la culture d’entreprise et bien comprendre son besoin et, dans le même temps, s’imprégner également de tout le savoir faire de l’équipe de recherche. C’est la courroie de transmission qui va assurer la bonne relation entre l’entreprise et l’équipe de recherche et c’est primordial car il reste encore un fossé culturel entre ces deux mondes ; fossé qui tend d’ailleurs à se combler car les entreprises ont pris conscience de l’intérêt de travailler avec le monde de la recherche et de l’innovation et les chercheurs sont maintenant beaucoup plus ouverts à des recherches appliquées. J’ajoute que de nombreux doctorant passés par ce dispositif ont tout naturellement été embauchés par l’entreprise parce qu’il faut continuer à entretenir l’innovation.

Il y a également des projets beaucoup plus ambitieux bénéficiant de dispositifs de financements de niveau régional à européen avec une pluralité de partenaires associés, académiques et entreprises ; chaque partenaire étant financé directement et embauchant lui-même les ressources nécessaires pour réaliser sa part du projet.

La priorité de l’Inria est néanmoins de privilégier l’émergence de mode projet bilatéral en direct avec l’entreprise (et tout particulièrement avec les PME) parce qu’en terme de transfert technologique, il est plus simple de travailler à deux partenaires. Plus la proximité est grande, plus forte est l’osmose entre le savoir de l’équipe de recherche et la compréhension des besoins de l’entreprise.

En quoi le fait d’être en région Grand Est est-il un atout pour les collaborations recherche – entreprise ?

La région est très active sur le financement de ce type de projets avec des objectifs locaux inscrits dans un cahier des charges, avec une logique de création d’emploi ou de redynamisation de bassin d’emploi. Récemment, un coup de projecteur a été donné sur tous ces dispositifs et cela a coïncidé avec l’émergence du Cluster Image & Numérique Alsace Champagne-Ardenne Lorraine. Maurice Changy, son directeur, a fait son travail de médiateur et a contacté toutes les forces académiques du territoire, tout en recensant en parallèle les entreprises de ce domaine.

tvpaint logoNous avons mis en relation des équipes de recherche avec des entreprises pour monter 3 dossiers. Et l’un d’eux a été sélectionné : TV Paint. Grâce au Cluster, j’ai rencontré cette entreprise que je ne connaissais pas et elle a été informée de toutes les possibilités de financement qui existent. J’ai rencontré les fondateurs dans leurs locaux et j’ai balayé avec eux un certain nombre de sujets en lien avec les compétences de l’Inria. Au bout de 2 heures, nous n’avions toujours pas trouvé de point d’accroche quand subitement j’ai relancé un autre sujet : les outils collaboratifs. L’idée était de faire travailler ensemble, sur un même projet et avec le même outil logiciel, plusieurs personnes situées à des endroits différents. Intérêt immédiat de leur part car ce projet d’extension des fonctionnalités de leur produit dormait dans les tiroirs de TV Paint et n’avait jamais été développé. Chez l’Inria, par contre, nous avons une équipe de recherche (dénommée COAST) dont c’est vraiment le cœur de métier. Les dirigeants de TV Paint ont rencontré deux chercheurs de cette équipe, et après à peine 2 heures de discussion, ils étaient prêts à travailler ensemble sur un sujet d’intérêt commun ; ça coulait de source.

Cet exemple illustre l’existence d’un potentiel d’innovation local encore loin d’être suffisamment exploité. Combien d’entreprises ignorent encore les moyens de financement mis à leur disposition pour les aider à se développer via la montée en gamme technologique ? Combien de rencontres entre le monde académique et entreprises, susceptibles de déboucher très rapidement sur des synergies d’intérêt commun, reste-t-il encore à « débusquer » ? Probablement beaucoup, et c’est bien en cela que le travail mené par cinestic, en lien étroit avec les médiateurs de terrain tels que Philippe Schaeffer, prend toute son importance dans les enjeux de développement économique de la Région Grand Est.

Plus d’infos :
www.inria.fr
www.loria.fr